#3 Ethereum : un ordinateur mondial

Origine, contrats intelligents, applications possibles (DApps, NFTs, DAOs)

déc. 12, 2021

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Temps de lecture : 10 minutes

Bonjour !

Dans les deux dernières éditions, j’ai parlé uniquement de Bitcoin. Car finalement, bien comprendre son fonctionnement et ses apports, c’est faire 50% du chemin. Alors si ce n’est pas déjà fait, je t’invite à y jeter un oeil 👀

Bien qu’il y ait encore matière à écrire au sujet du Bitcoin, on va changer un peu de thématique ce dimanche et s’intéresser au protocole Ethereum, dont l’actif natif ETH est la deuxième capitalisation la plus importante du marché de cryptos.

Dans cette édition, je vais te parler de :

La naissance d’Ethereum
La notion clé de contrats intelligents et leur fonctionnement
Les multiples champs d’application possibles

À la fin de cette édition, tu auras compris l’apport du protocole Ethereum par rapport à Bitcoin, le potentiel disruptif des contrats intelligents qui fait d’Ethereum un projet incontournable du monde des actifs numériques.

La naissance d’Ethereum

Ethereum a été présenté en 2013 sous la forme d’un document, le fameux livre blanc. Il a été rédigé par Vitalik Buterin, un jeune programmeur passionné par Bitcoin qui écrivait d’ailleurs des articles pour pluisieurs magazines spécialisés. À son origine, le livre blanc d’Ethereum propose une évolution du protocole Bitcoin. Pour Vitalik, les possibilités offertes par Bitcoin sont trop restreintes et il souhaite les étendre.

Là où Bitcoin a été conçu spécifiquement pour des applications monétaires et l’élaboration d’une forme nouvelle de monnaie, Vitalik aimerait complexifier les échanges, en les “conditionnant” à des évènements. En d’autres termes, il souhaite rendre les transactions programmables. Les cas d’usage permis seraient donc bien plus vastes.

Sa proposition attire rapidement l’attention d’adeptes des cryptomonnaies à l’époque, qui se joignent au projet. L’équipe de développement de Bitcoin, qui a une vision très conservatrice de ce que doit être Bitcoin, n’adopte pas la proposition. Vitalik et ses partisans décident donc de créer leur propre blockchain et de faire d’Ethereum un projet à part entière.

Pour concrétiser son projet, Vitalik Buterin fait appel à la communauté crypto et réalise une levée de fonds d’environ 18 millions de dollars correspondant à 31 000 BTC ayant une valeur de 650$ à cet instant. Les fonds serviront à financer les développements nécessaires au lancement du réseau. La première version d’Ethereum sort en juillet 2015.

Ethereum repose sur les mêmes piliers technologiques que le protocole Bitcoin. La sécurité, la fiabilité et la viabilité de la blockchain Ethereum nécessitent l'existence d'un réseau d'ordinateurs connectés fournissant la puissance de calcul nécessaire à la réalisation de la preuve de travail. Cependant, Ethereum offre une proposition de valeur différente.

L'ambition d'Ethereum est de créer un nouveau web décentralisé - un véritable ordinateur mondial. Là où les participants, mineurs du protocole bitcoin, se contentent de valider des transactions monétaires, les participants du réseau Ethereum exécutent du code.

Les contrats intelligents, quésaco ?

Sous le terme de contrats intelligents ou smart contracts, on regroupe tous les mécanismes de transactions dits “conditionnels”. Les smart contracts ont été démocratisés récemment avec le gain de popularité des cryptos et protocoles blockchain.

Pour autant, il est intéressant de mentionner qu’il ne s’agit pas d’une notion inventée par les fondateurs d'Ethereum. En fait, c’est Nick Szabo, informaticien et cryptographe, qui est le premier à avoir conceptualisé les contrats intelligents dans les années 90. Il définit les contrats intelligents comme des programmes autonomes qui, une fois lancés, exécutent automatiquement des conditions prédéfinies.

“Les contrats intelligents combinent des protocoles avec des interfaces utilisateurs pour formaliser et sécuriser les relations sur les réseaux informatiques. Les objectifs et les principes de la conception des smart contracts découlent de principes juridiques, de la théorie économique et des théories des protocoles fiables et sûrs.”
Nick Szabo, 1997

On peut ajuster cette définition et dire que désormais, les smart contracts représentent une adaptation du concept de contrat dans l'économie traditionnelle, transposée à l'écosystème blockchain.

L'intérêt des contrats intelligents est de permettre l'utilisation de la technologie blockchain au-delà du simple transfert d'argent. Ils ouvrent la porte au développement de nouvelles applications et usages. Ils permettent de réduire les coûts de vérification, d'exécution, d'arbitrage et de fraude, et offre la certitude que le contrat sera exécuté comme convenu, permettant ainsi de surmonter les problèmes d'aléa moral.

Les avantages de la mise en œuvre de contrats intelligents dans une blockchain, comme Ethereum le fait, sont multiples :

Immuabilité - la garantie que les termes du contrat ne peuvent être modifiés. Lorsque le contrat est déployé, une adresse publique lui est liée, ce qui permet de l'exécuter en pointant sur cette adresse et d'être sûr que l'exécution des termes ne concernera que les parties impliquées dans le contrat.

Autonomie - lorsque les conditions sont remplies, les clauses du contrat sont activées et un changement d'état est généré. Cette information est transmise à tous les participants du réseau Ethereum.

Transparence - n’importe quel acteur ou utilisateur du réseau peut vérifier le code, le copier, l’améliorer, et s’assurer du bon fonctionnement du contrat.

Interopérabilité - n’importe quel contrat intelligent peut aisément interagir avec un autre, ce qui permet de créer des produits de plus en plus complexes.

Détention de fonds - ils peuvent stocker et sécuriser des fonds, que cela soit en éthers ou autre cryptos évoluant sur la même blockchain, et plus largement n’importe quel type de données.

Ces caractéristiques s’accompagnent d’un certain nombre d’inconvénients :

Si les smart contracts sont mal rédigés et contiennent des failles, des attaquants peuvent les exploiter.
Une fois stockés sur la blockchain, il est impossible de revenir en arrière, chaque écriture est indélébile.
Les interactions avec les smart contracts nécessitent de payer une commission, ce qui sur le long terme peut être très coûteux

Les champs d’application possibles

Parmi les potentialités offertes par les smart contracts, on retrouve trois concepts importants que tu as sûrement dû voir passer ces derniers temps. Je veux, bien entendu, parler des DApps, des NFTs, et des DAOs. Les acronymes te semblent sûrement un peu atypiques. Je m’occupe de te les décrypter de suite 😉

Les applications décentralisées

Les applications décentralisées - de l’anglais Decentralised Applications (DApps) - sont des applications fonctionnant sur la technologie blockchain. Elles possèdent une interface utilisateur (un site web finalement) mais au lieu d'avoir un serveur centralisé comme back-end, les données sont stockées directement sur la blockchain. N’importe qui peut développer des applications sur Ethereum. Le seul pré-requis étant de savoir coder en Solidity, le langage de programmation du réseau.

Elles offrent tous les avantages du déploiement de smart contracts sur blockchain cités précédemment, tout en proposant une interface similaire aux applications que nous connaissons aujourd'hui, avec une app web ou mobile. Les applications décentralisées apportent la promesse de fournir aux utilisateurs des interfaces faciles à utiliser tout en tirant parti de la puissance de la technologie blockchain.

Les DApps ont souvent un token associé aux services qu’elles proposent. On peut traduire tokens par ‘’jetons numériques’’. Créer un nouveau token est assez simple, puisque cela revient à générer un smart contract et à le publier. Le token créé est directement échangeable et sécurisé par le réseau Ethereum. Les tokens peuvent ensuite être détenus, quantifiés et bien sûr échangés numériquement entre deux personnes.

Pour l’instant, les applications décentralisées les plus populaires sont dans le domaine de la finance, qu’on appelle finance décentralisée, ou plus largement dans le domaine de la technologie.

Finance

La finance décentralisée - de l’anglais Decentralised Finance (DeFi) est un secteur de croissance majeur de la blockchain qui offre des services et des technologies financières de pair à pair. Les échanges de tokens, les prêts, les solutions d’investissements sont nettement plus transparents, sans autorisation, sans confiance et interopérables que les services financiers traditionnels, et tendent vers des méthodes organisationnelles de gouvernance décentralisée qui favorisent la propriété équitable des parties prenantes.

La valeur totale verrouillée dans des smarts contracts se situe, à l’heure de la rédaction de ces lignes, autour des 100 milliards de dollars. On constate une importante croissance sur les 12 derniers mois. Une croissance qui devrait continuer à se maintenir au vu de la constante innovation des acteurs dans cette niche spécifique.

Technologie

Décentraliser la technologie, c’est le fait de développer des technologies existantes en intégrant la notion de décentralisation et un système économique basé sur la crypto.

Il peut s’agir par exemple d’un navigateur web comme Brave qui vous permet de gagner des tokens en redistribuant les recettes publicitaires, ou encore un projet comme Golem, qui permet d’accéder à de la puissance informatique partagée ou de mettre à disposition des ressources informatiques contre rémunération dans le token du service. Les échanges se font dans le token de l’application, le GLT, qui est finalement une représentation numérique d’une puissance de calcul consommable.

Les cas d’usages sont si larges que d’autres industries pourraient se voir disrupter à l’avenir. En fait, la plupart des activités présentant un fort degré de centralisation pourraient potentiellement se voir concurrencer par un nouveau modèle décentralisé intégrant un token au sein de leur système économique.

Les tokens non fongibles

Un jeton non fongible - de l’anglais Non-Fongible Tokens (NFT) - est un jeton qui possède des caractéristiques uniques, qui lui sont propres, qui rendent impossible toute confusion avec un autre jeton. Les jetons non fongibles sont à l'opposé des tokens mentionnés précédemment, qui sont eux interchangeables.

Les tokens n’ont pas d’éléments de différenciation et permettent de faire exactement la même chose. C’est comme échanger une pièce de 1€ contre une autre pièce de 1€. Même si ce n’est pas la même pièce, elle remplit la même fonction et a le même pouvoir d’achat. En revanche avec un NFT, cela ne fonctionne pas. Tout simplement parce qu’en général, les NFT représentent un objet spécifique dans un jeu vidéo, une parcelle de terrain dans un Metaverse immobilier, ou une œuvre d'art à part entière.

Les NFTs sont principalement utilisés dans le domaine du gaming, des mondes virtuels, qu’on appelle Metaverse, et de l’art et des objets de collection.

Gaming

Dans les jeux vidéos, les NFTs permettent aux joueurs qui gagnent ou achètent des objets numériques de les détenir "pour de vrai", par opposition à sa détention fictive sur un serveur tiers centralisé. Le détenteur est libre de l'envoyer, de le vendre, ou de l'utiliser dans le jeu directement. Les NFTs peuvent être échangés sur des places de marché conçues à cet effet.

Sur Ethereum, il y a Axis Infinity comme jeu réputé et qui permet de faire du commerce et de s’affronter avec des créatures appelées Axies. Il y a aussi Gods Unchained, un équivalent à Hearthstone, qui un jeu de stratégie avec des cartes à collectionner. Dans ce jeu, vous pouvez gagner des cartes en jouant et les revendre.

Métavers

Le métavers est un monde virtuel fictif. Dans les mondes virtuels, les utilisateurs peuvent acheter des terrains, créer du contenu sur leurs parcelles et pourquoi pas les monétiser. Il s'agit d'un monde interactif en 3D, qui peut être accessible via un casque de réalité virtuelle ou par la vue classique d'un navigateur internet. Les NFTs permettent de gérer et garantir la propriété sur les parcelles de terrain dans l’univers digital. Ces parcelles de métavers peuvent être achetées et revendues sur des plateformes de marché dédiées. Sur Ethereum, on pense notamment à Decentraland et Sandbox qui sont les deux projets métavers les plus populaires en ce moment.

**Exemple de parcelle à vendre sur Decentraland**

Art numérique et objects de collection

Pour l’art numérique et les objets de collection, les NFTs font office de certificat d’authenticité pour oeuvres d’art purement digitales ou oeuvres réelles ayant été numérisées. Tout comme le marché de l’art, la valeur des oeuvres d’art est subjective et dépend de l’histoire du projet ou de la réputation ou des auteurs.

Pour les objets de collection, les Cryptopunks, ou encore les Bored Ape Yacht Club rencontrent un franc succès. En ce qui concerne l’art numérique, on peut citer par exemple le projet Particle qui s’apprête à vendre sous forme de 10 000 unités le très réputé tableau Love is in the Air de Banksy.

Le potentiel des NFTs ne semble pas encore avoir été exploré et bien des industries pourraient se les approprier, notamment avec des initiatives dans l’industrie musicale, comme l’a récemment fait Booba pour ne citer que lui 😋

Les organisations autonomes décentralisés

Une organisation autonome décentralisée - en anglais Decentraland Autonomous Organisation (DAO) - est une entreprise dont les règles de gouvernance sont écrites sur un smart contract. Les DAO offrent la possibilité à toute partie prenante de s'engager dans certaines activités alignées sur une mission commune et communautaire.

Cela permet d'imaginer des modes d'interactions humaines où les décisions prises sont accessibles par tous, partout dans le monde. L'application de ces décisions devient automatique et ne nécessite plus de contrôle puisque la confiance est placée dans le réseau et l'automatisation de l'exécution des termes du contrat. Nous assistons aujourd'hui à une prolifération de ces organisations, stimulée par les principaux protocoles DeFi qui ont poussé à l'engagement des utilisateurs.

Comme exemple parlant, je vais te parler de Constitution DAO. La DAO a commencé à collecter des fonds en crypto auprès de personnes du monde entier afin qu'elles puissent enchérir sur une copie de la constitution américaine. Ils ont finalement collecté plus de 30 millions de dollars. L'idée était qu'ils pouvaient enchérir sur cet objet et gagner - et empêcher quelqu'un de le posséder pour lui seul.Malheureusement, ils ont perdu l’enchère. Mais cela nous permit de voir une offre en ETH parmi des offres en monnaie de banque centrale. C’est historique ! 😬

Pour quand un club de foot racheté par une DAO ? Je suis prêt à parier que d’ici 2027, ça arrivera 😅

Pour conclure

Ethereum repose sur les mêmes piliers technologiques que le protocole Bitcoin mais offre une proposition de valeur différente, celle de pouvoir exécuter des smart contracts.
Les smart contracts permettent de réduire les coûts de vérification, d'exécution, d'arbitrage et de fraude, et de surmonter les problèmes d'aléa moral. Ils sont immuables, transparents, et autonome.
Les trois grandes innovations permises par les smart contracts sont les applications décentralisées, les tokens non fongibles, et les organisations autonomes décentralisées
Ethereum est un ordinateur mondial décentralisé aux propriétés uniques et offre des possibilités quasi infinies. N’importe qui peut utiliser, créer et faire tourner des applications diverses et variées sur cet ordinateur mondial, qu’ils s’agissent de DApps, NFTs, ou DAOs.

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